A l'initiative du bureau régional de CAP21 Nord Pas-de-Calais, Jean Gadrey, professeur émérite à l'Université Lille I est intervenu le 7 janvier de 19h30 à 21h dans une conférence-débat autour de la croissance et des nouveaux indicateurs de richesse à l'espace Inkermann à Lille.
Après avoir souligné à quel point la croissance est devenu un "culte" pour de nombreux hommes politiques et décideurs du monde économique, il a montré que le doute est permis quant à un effet bénéfique de cette croissance sur la progression du bien-être d'une société. Un certain nombre d'indicateurs significatifs ont été observés : Espérance de vie, mortalité infantile, scolarisation dans le secondaire et espérance de scolarisation, performances en lecture, ou en sciences, inégalités de revenu, activité comparée des femmes et des hommes, inégalités salariales F/H, part des femmes au Parlement, violences, crimes, personnes en prison…et il n'y a plus de corrélation au delà d'un certain seuil entre la richesse par habitant (exprimée en PIB/hab) et ces indicateurs. Parallèlement, les dégats environnementaux (exprimé en terme d'empreinte écologique) sont croissants en fonction de l'augmentation du PIB/hab. Conclusion : la croissance, "le toujours plus " pour une société développée apporte plus de problèmes en final qu'elle n'en résout !
Il faut donc imaginer une autre forme d'évolution pour les pays développés : "l'a-croissance ". Jean Gadrey n'est pas partisan de la décroissance. Il faut prendre en compte les différents enjeux énergétiques*, environnementaux, sanitaires et sociaux et être conscient que ceux-ci vont amener nécessairement à une recomposition du paysage socio-économique : décroissance de certains secteurs manufacturiers traditionnels par exemple et croissance de secteurs comme celui des services à la personne, des commerces de proximité, de l'industrie du recyclage, des activités liés à la performance énergétique (habitat, transport en commun et mobilité douce)...
Oui mais tout cela risque, si des précautions ne sont pas prises, de laisser les pauvres, les précaires, les exclus dans une situation encore plus difficile. Il faut donc s'attaquer à la répartition des richesses produites et viser par des mesures d'accompagnement à une redistribution qui permette aux plus fragiles, aux plus démunis d'accéder à une société du bien-vivre.
Le conférencier et les participants ont apprécié les nombreuses interactions avec l'assistance et les questions posées ont montré que les investigations, les recherches et le projet politique doivent se poursuivre pour arriver à concrétiser cette transition écologique de notre vie économique, citoyenne et sociale que CAP21 et d'autres groupes écologistes appelent de leurs voeux.
La conférence-débat s'est poursuivie par un pot amical, des dédicaces du dernier ouvrage de Jean Gadrey** et l'assemblée régionale de 21h30 à 23h où ont été débattu différents sujets dont celui des élections de renouvellement du bureau régional (avril 2011), la feuille de route pour les mois qui viennent, les futures élections cantonales et le positionnement de CAP21 dans le paysage politique français. M.E.
* La fin de l'ère du pétrole bon marché (= après le pic pétrolier(peak oil)) (voir à ce sujet notre billet du 24-10-2010)
** Adieu à la croissance. Bien vivre dans un monde solidaire, Editions Alternatives Economiques et Les Petits matins, 2010, ISBN978-2-915-87978-0, 15 euros.