Municipales -20 Mars 2014
« Pollution et santé publique: lettre ouverte de CAP 21 Ile
de France à tous les candidats aux municipales :
Le pic de pollution aigue tel que nous l’avons connu depuis le
début de la semaine dernière en Région Parisienne concerne l’Etat, mais pas
seulement, les municipalités aussi.
La pollution atmosphérique concerne, et questionne, les villes et
agglomérations sur l’ensemble du territoire national et plus particulièrement
de l’Ile de France, car celle-ci est plus durement et plus fréquemment touchée.
Les municipalités ont donc un rôle significatif à jouer. Il
importe que les candidats aux élections municipales puissent prendre la mesure
de la tâche qui leur incombe, mais prennent également des engagements vis-à-vis
de leurs électeurs.
En effet, dès ce lundi 17 mars, des conditions météorologiques
plus favorables ont participé à la fin de l’épisode de pic de pollution,
faisant ainsi disparaître progressivement ce problème de l’actualité. Au fil
des jours, les projecteurs des médias se détourneront de ce sujet, bien que le
niveau de pollution reste toujours trop élevé. Et si rien n’est fait, si ce
sujet retombe dans l’oubli, si les leçons ne sont pas tirées et des actions
mises en œuvre, il y a fort à parier que nous connaîtrons rapidement d’autres
épisodes de pics de pollution.
Et ce mercredi 19/03, les niveaux maximum sur les stations
mesurant la pollution ambiante aux particules fines de l'agglomération
s’échelonnaient encore entre 25 et 35 µg/m3, alors que l’Organisation Mondiale
pour la santé préconise un maximum à 20 µg/m3.
CAP 21 souhaite interpeller l’ensemble des candidats aux
municipales, interpeller tous ceux et celles qui sollicitent le suffrage de
leurs concitoyens et se sentent prêts à assumer des responsabilités, sur 2
points :
1) la pollution atmosphérique d’une part,
2) la prévention du dérèglement climatique et l’adaptation au plan
Climat 2015 d’autre part.
-
1) La pollution atmosphérique :
La semaine passée, la pollution de l’air n’a échappé à personne.
Pendant plus d’une semaine, elle a été visible, elle a été palpable. Les
simples citoyens, les habitants de grandes agglomérations, mais aussi des petites,
les villes, la campagne, les parents d’enfants en bas âge, les asthmatiques,
les personnes âgées, tout le monde s’en est rendu compte.
La réglementation européenne impose pourtant pour les particules
fines (les particules issues de combustion au diamètre inférieur à 10
micromètres, les fameuses « PM 10 », voire les « PM 2,5 »
encore plus fines et plus pénétrantes dans les alvéoles pulmonaires) une
concentration annuelle moyenne maximale de 40 microgrammes par mètre cube
(µg/m3) et une concentration journalière de 50 µg/m3 à ne pas dépasser plus de
35 jours par an. Or depuis 2011, 12 millions de Français sont régulièrement
exposés au dépassement de ces valeurs, et l’Ile de France dépasse les seuils
annuels et journaliers !
Les chiffres évalués pour les décès prématurés imputables à cette
pollution font encore débat, estimés entre 19.000 et 42.000 décès prématurés en
France, selon les organismes et les méthodes utilisées. Cependant, aucun besoin
d’être un grand scientifique pour se douter que ce n’est bon pour la santé de
personne…
Il est à noter également qu’outre les périodes de pics aigus de
pollution, les effets sur la santé sont observés y compris en l’absence de pics
de pollution, selon l'Institut de Veille Sanitaire, et qu’en exigeant le simple
respect des recommandations édictées par l'Organisation Mondiale de la Santé
(soit 20µg/m3), on pourrait éviter un millier d'hospitalisations pour des
raisons cardiaques ou respiratoires par an en France.
Toutefois, comment ne pas s’étonner de l’absence de réaction des
pouvoirs publics ?
Certes on a mis en œuvre une réduction de 20km de la vitesse sur
les grands axes (respectée ???), des directives « molles »
envoyées aux écoles et aux collèges, des vélib’s gratuits à Paris (pour les
abonnés !) au bout de 4 jours, des transports gratuits au bout du 5e
jour (pour les utilisateurs occasionnels ! Rien n’étant fait pour les
abonnements annuels… Paradoxalement, les « vertueux » qui utilisent
les transports en commun régulièrement n’ont rien, et ce sont ceux qui « polluent »
les autres jours de l’année qui se retrouvent bénéficier de cette mesure…).
Mais aucune action d’urgence énergique pourtant nécessaire dès le
1er jour (circulation alternée, arrêt des véhicules
« polluants », interdiction à la circulation dans certaines zones),
ni aucun début d’un plan d’action de long terme résolu et ambitieux…
Les candidats, dont certains étaient déjà aux affaires depuis une
ou plusieurs mandatures, se fendent de déclarations volontaristes mais les
citoyens sont en droit de demander de vrais engagements et de vrais plans
d’actions.
La pollution atmosphérique (ozone (O3), particules fines (PM),
dérivés d’azotes (NOx), benzène (C-H6), hydrocarbures, métaux(ex : plomb),
dioxyde de soufre(SO2), dioxines, pesticides…) est complexe à juguler. Mais les
solutions à mettre en œuvre sont déjà largement connues : essentiellement
des économies dans la consommation d’énergie et dans le trafic routier.
Selon les études d’AIRPARIF, « le trafic routier représente
plus du quart des rejets de gaz à effet de serre, plus de la moitié des rejets
d'oxydes d'azote, environ un quart des émissions de particules PM10 et PM2,5 et
plus de 15 % des émissions d'hydrocarbures (composés organiques volatils non
méthaniques ou « COVNM »). Quant au secteur résidentiel et tertiaire
(chauffage essentiellement), il est la première source de gaz à effet de serre
(plus de 40 % des émissions) et pèse pour plus de 20 % dans les rejets d'oxydes
d'azote (NOx), près de 30 % des émissions de particules PM10 et de 40 % des
PM2,5 et 30 % des émissions d'hydrocarbures (COVNM). Enfin, les industries
jouent un rôle non négligeable sur les deux tableaux, avec près de 20 % des
rejets de gaz à effet de serre, 15 % des rejets d'oxydes d'azote, près de 30 %
pour les PM10 et près du quart pour les PM2,5. » (Source : http://www.airparif.asso.fr/)
Une action concertée auprès des 3 sources principales des
polluants atmosphériques et d’émission de CO2 est désormais plus que
nécessaire.
Et nous avons besoin d’un engagement concret de chaque candidat
aux municipales à ce sujet !
CAP 21 demandent aux candidats de s’engager à promouvoir
résolument le panel de solutions proposées pour diminuer durablement la
pollution de l’air :
-
Pour le trafic routier : réduction de la vitesse sur la
route, schéma directeur de circulations douces pour l'agglomération,
développement de la part des transports en commun ( quid de l’écotaxe récemment
reléguée aux calendes grecques sous la pression de lobbys ayant mal compris
l’intérêt global ?), engagement à soutenir politiquement la fin de la
niche fiscale exhorbitante du diésel, développement des transports multi-modaux
(interconnexion des transports, micro-bus, places de parking accessibles et bon
marché près des gares en banlieue…), incitation au co-voiturage, incitation à
l’utilisation de véhicules hybrides (bornes de rechargement en plus grand
nombre),
-
Mais également pour les ménages et le bâtiment : travaux de
rénovation et d’isolation thermique des bâtiments (rénovations énergétiques de
bâtiments communaux :écoles, gymnases...), un plan climat énergie
territorial, nouvelles constructions en HQE, BBC et « passives »,
plan sur le chauffage collectif, isolation/abaissement de la température des
logements, point info énergie et aides contre la précarité énergétique,
limitation des engrais azotés dans les espaces verts et en agriculture…
-
2) La prévention du dérèglement climatique et l’adaptation au plan
Climat 2015 :
Bien que le lien entre les différents épisodes d’inondations,
d’alertes submersion, de tempêtes, et le dérèglement climatique engagé ne soit
pas avéré, ces différents épisodes parfois dramatiques, et en tout cas toujours
traumatisants, ont permis à nos concitoyens de toucher du doigt ce qui pourrait
être la conséquence d’un des pires scénarios appelés par le réchauffement
climatique.
Paris accueillera l’année prochaine la conférence sur le climat.
Mais que faisons-nous vraiment pour nous y préparer ?
Les solutions à mettre en œuvre sont non seulement nombreuses mais
connues depuis des années. Par faiblesse face aux lobbys, par manque de courage,
par manque de pédagogie vis-à-vis du public, ni l’Etat, ni les municipalités
n’ont osé préparer et encore moins mettre en œuvre les plans de prévention et
les plans de réduction des émissions de CO2 nécessaires. Au motif que tout ceci
coûterait cher aux consommateurs, à la croissance, aux industriels, aux
ménages, rien n’a été commencé alors que chacun de nos concitoyens mesure
désormais les coûts faramineux des inondations, de l’érosion du littoral, des
incidents climatiques extrêmes.
Que coûterait réellement à l’économie francilienne (et française)
une inondation de grande ampleur à Paris, une agglomération paralysée pendant
quelques semaines, des infrastructures ou des sites industriels et d’entreprise
immergés et rendus définitivement inutilisables ??? Les milliards (de 3 à
30 selon les experts) et les points de PIB (0,1 à 3%) évoqués par les experts
donnent le tournis.
Ceci est-il comparable à un effort courageux mais collectif,
planifié et étalé dans le temps ?
Qu’attend-on ?
Les solutions évoquées pour lutter contre la pollution de l’air
ci-dessus sont également valables et opérantes.
Selon AIRPARIF, « Pollution atmosphérique et réchauffement
climatique dus au gaz à effet de serre constituent des phénomènes séparés mais
très liés », non seulement dans les solutions à mettre en œuvre, mais
également dans l’engagement politique qu’ils réclament.
Parmi les candidats aux municipales, certains se présentent
courageusement pour la première fois, d’autres ont été aux manettes depuis une
ou plusieurs mandatures.
Parmi les premiers, CAP 21 souhaite pouvoir compter sur leur
fraîcheur et la force de leur conviction.
Pour les seconds, les franciliens entendent aujourd’hui des
promesses qu’ils auraient été en mesure de mettre en œuvre et espèrent qu’ils
passeront à l’action.
L’écologie ne peut se résumer aux parcs et jardins.
Elle ne peut pas non plus servir de faire valoir, ni de sujet du
jour au gré de l’actualité, vite balayé par un autre.
Les projecteurs des médias se braquent aujourd’hui sur ce sujet,
mais demain ?
Pour CAP 21, ce bel élan qui a saisi l’opinion publique ne doit
pas être relégué aux oubliettes, et il convient d’exiger des actes.
Candidats aux municipales, engagez-vous ! »
Alexandra Sirot, Déléguée Régionale Ile de France CAP 21
Remerciements à Yves Lenoir
(http://blogs.mediapart.fr/edition/les-invites-de-mediapart/article/290612/diesel-nuit-gravement-la-sante-et-leconomie),
et à Jean-Marc Naumovic, Adjoint au maire, Villepinte