samedi 12 décembre 2015



 Elections Régionales 2015



 Corinne Lepage Headshot   Article de Corinne Lepage, Présidente CAP21 le Rassemblement Citoyen

D'abord battre le FN, mais après...






RÉGIONALES 2015 - L'urgence absolue est de faire en sorte que le Front National ne dirige pas une région tout simplement parce que les conséquences économiques et sociales pour cette région seraient catastrophiques et parce que si le visage du Front National a changé, ses présupposés restent identiques. C'est la raison pour laquelle on ne peut que saluer le courage du parti socialiste de s'être retiré en PACA et en Nord Pas de Calais-Picardie et regretter le choix de Jean-Pierre Masseret surtout dans une région qui compte l'Alsace avec un risque de remise en cause à terme de la présence des institutions européennes à Strasbourg.
À ceux qui considèrent qu'il s'agit d'un "tripatouillage", il est aisé de répondre qu'il n'en est rien puisque c'est un retrait pur et simple et sans condition. Préférer l'absence avec toutes ses conséquences à une prise de pouvoir de l'extrême droite est un acte de responsabilité. Pour l'anecdote, quand on voit les pressions dignes d'un pays fascisant qui se sont exercées sur Monsieur Bonduelle, qui a eu le courage de prendre position et qui s'est vu menacer tant par les agriculteurs que par des consommateurs de sanctions économiques, il y a lieu effectivement d'être très inquiet.
De plus, à ceux qui considèrent que la méthode n'est pas démocratique, on répondra simplement que si le FN perd, c'est qu'une majorité de Français aura voté contre lui.
Mais, passé dimanche soir, l'examen de conscience s'impose. Il n'est pas possible de continuer à considérer que les électeurs du Front National n'ont rien compris, qu'ils sont en colère et qu'il ne s'agit que d'un vote protestataire. Mais avant tout, il faudra faire un tri entre le bon grain et l'ivraie et réfléchir à une réponse aux erreurs factuelles et souvent volontaires du FN mais aussi de tous les responsables politiques car si "le langage des chiffres a ceci de commun avec le langage des fleurs, on lui fait dire ce que l'on veut". La prime donnée à l'outrance de Nadine Morano et ses propos sur la "race blanche" ou à Marine le Pen sur les prières de rue, le halal... prouve que plus c'est gros et plus ça passe.
Si les électeurs du Front National disent leur misère, leur angoisse, leur exaspération face à des évolutions réelles de la société, que beaucoup nient ou sous-estiment. On ne peut pas continuer à considérer comme normaux la décrépitude de certains services publics, les dysfonctionnements de la justice et de l'éducation nationale, les injustices croissantes, la possibilité d'exercer ses droits pour toute une partie de nos concitoyens, la non-application de la loi qu'il s'agisse de la Burqa sur la voie publique, la délinquance financière ou encore des zones de non-droit. Néanmoins il faut s 'avoir pondérer et raison gardée, eurodéputée de la grande région Nord-ouest, lors de la dernière mandature, j'ai pu voir de nombreuses entreprises avec un rayonnement international, qui profitent d'une implantation dans l'Union Européenne et de la mondialisation. Et notamment, à Méaulte -dans la Somme- avec le site Aérolia qui fabrique les pointes des Airbus de l'A318 à l'A380 qui compte plus de 1400 salariés sur une ville de 1300 habitants et qui vote à 37,7% pour le front national.

Ce sont les partis politiques et le système de gouvernance qui sont en cause. Quand Marine Le Pen se présente comme la seule candidate anti système capable de redonner à chacun la maîtrise de son destin, elle exploite une frustration évidente sans avoir évidemment la moindre intention de redonner quoi que ce soit à quiconque puisque son projet est autoritaire, voire liberticide et en tout cas très dirigé contre de nombreuses institutions de la société civile en particulier associatives.
Il n'en demeure pas moins que ce sujet est le sujet de fond. Nos concitoyens se sentaient à juste titre totalement dépossédés de la maîtrise de leur destin. Les partis politiques ne laissent aucune place aux jeunes, à la société civile et lorsqu'ils le font c'est en réalité pour instrumentaliser quelques alibis. Voilà des années que nous sommes un certain nombre à critiquer la partitocratie et à lancer des signaux d'alerte. En vain.
La seule réponse à l'immense crise de confiance que nous vivons est dans le faire et non dans le dire. La société civile doit reprendre la main et porter des projets très concrets qui sont autant de réponses aux sujets majeurs pour nos concitoyens : chômage, sécurité sous toutes ses formes, santé, avenir des enfants. Un certain nombre de mouvements de la société civile sont déjà au travail sur tel ou tel sujet. Très vite, nous devons avancer avec la massification des opérations réussies, dans le domaine économique, agricole, d'éducation, social. La confiance en nous, indispensable à l'épanouissement démocratique, reviendra lorsque nous nous serons nous-mêmes convaincus de notre capacité de faire, de réussir, et de répondre effectivement aux immenses défis contemporains.