Un an de retard, un loyer de 40 millions d’euros sur trente ans, bref un hôpital qui aura coûté 1,2 milliard d’euros. Un «scandale financier», comme le qualifie de nombreux élus essonniens dont Manuel Valls, maire d’Evry et, à ce titre, président du conseil d’administration du futur hôpital.
Pour son ouverture tant attendue, lundi dernier, aucune foule n'est rassemblée devant l'immense bâtiment de 110 00m² construit par Eiffage. Rien ne laisse deviner que c’est le jour J : et pour cause, cet hôpital high tech qui devait ouvrir début 2011, ne fait pas l’unanimité et ses promoteurs font profil bas.
Un partenariat public privé totalement inadapté :
De l’avis même de Claude Evin, ancien Ministre de la Santé et actuel président de l’Agence régionale de santé d’Ile de France « ce partenariat public-privé n’est pas approprié» pour ce type d’opération. Il précise même que « le contrat avec Eiffage n’était pas assez encadré ».
Si tout le monde s’accorde sur le fait que ce type de partenariat n’est absolument pas approprié à la construction d’un hôpital d’envergure, qui est d’une très grande complexité, alors pourquoi avoir persisté dans l’erreur ?Enfin, chacun sait combien il est difficile pour un acteur public, en cas de contentieux complexes avec des consortiums privés, de faire valoir ses droits. Ainsi lors d’un arbitrage, Eiffage, est arrivé avec 25 caisses de documents, alors que la direction rencontrait des difficultés à rassembler les documents nécessaires pour se défendre.
Un catalogue de malfaçons :
L’inauguration était prévue en avril 2011, puis le 17 mai, puis le 15 septembre…pour finalement ouvrir ses portes discrètement cette semaine. Pourquoi ?
En cause : de nombreuses anomalies.
En 2007, c’est la pose de la première pierre, avec à l’horizon une date ferme : l’ouverture de l’hôpital début 2011. Et pendant les travaux, la vie continue. Les deux hôpitaux, celui de Corbeil et d’Evry, sont rassemblés, un directeur unique est nommé, avec un objectif : réduire le déficit abyssal des deux établissements. Mais, début 2011, lors de la réception du chantier, tout n’est pas conforme, près de 8 000 réserves sont émises par l’hôpital.
La direction et ses experts notent une foule d’anomalies : des bras articulés dans les blocs opératoires qui ne peuvent se croiser, tout le système d’électricité qui n’est pas aux normes.
Un contentieux juridique commence : Eiffage réclame 100 millions d’euros pour des changements
Des loyers exorbitants et dus:
Le nouvel hôpital n’est pas encore ouvert, il n’empêche, depuis début 2011 le loyer dû à Eiffage tombe chaque mois, entraînant des difficultés financières pour l’Hôpital.
De surcroît, comme le souligne le personnel « il existe encore des réserves », sur des aspects « qui ne mettent pas en danger la vie des patients, comme la formation incendie pour le personnel, les portes coupe-feu mal localisées, les trappes de ventilation mal fixées... On se questionne ».
A l’instar de l'association « Sauvons notre hôpital public », CAP 21 Ile de France soutient la demande de création d’une commission d'enquête sur « le scandale du CHSF ».
Rappelons que la Cour des comptes avait épinglé le construction en partenariat public-privé de ce bâtiment, plus grand chantier hospitalier de France, qui représente un investissement de 344 millions d'euros. Dans le cadre de ce partenariat public-privé, le CHSF verse un loyer de 40 millions d'euros annuels à Eiffage, pendant trente ans, avant d'en devenir propriétaire
Repères
Le CHSF est le plus grand chantier hospitalier de ces dix dernières années.
Plus de 1 000 lits, des services spécialisés, une maternité de niveau 3 (excellence)… pour répondre à un bassin de population de plus de 600 000 habitants. Le bâtiment est d’une surface utile de 110 000 m2, avec pas moins de 400 000 m3 de terrassements, 179 000 m3 de béton, 9 600 tonnes d’armatures, 30 km de fibres optiques, et une partie du toit pour accueillir les hélicoptères du Samu.
François Pelletant
Membre du Bureau exécutif CAP21
Maire de Linas